À l’approche du 150e anniversaire du Canada, il est grand temps de prendre la température de notre pays.

Aux quatre coins du pays, les Canadiens s’enorgueillissent de leur résistance au froid, et avec raison. Après tout, nous vivons dans un pays boréal, qu’une bonne partie des habitants du reste du monde imagine recouvert de neige à l’année. Nous dominons dans les sports d’hiver et nous aimons bien nous moquer des gens qui ne savent pas conduire dans la neige (nos excuses aux Vancouvérois!).

Or, si nous aimons nos ours polaires et le hockey sur un étang gelé, la grande majorité des Canadiens peuplent le Sud du pays. Selon la National Geographic Society, environ trois quarts des Canadiens habitent à moins de 160 kilomètres de la frontière des États-Unis. Nous ne sommes donc pas vraiment un peuple qui accueille à bras ouverts la beauté des grands espaces nordiques.

D’où vient cette contradiction?

Le roman Deux solitudes, publié en 1945 par Hugh MacLennan, a consacré une formule qui définit aujourd’hui la manière dont nous percevons la difference entre les identités anglaise et française au Canada.

Néanmoins, cette polarisation est trop réductrice. Les deux identités fondatrices du pays – le Haut-Canada et le Bas-Canada – ne forment qu’une dichotomie parmi tant d’autres : urbain-rural, colon-Autochtone, jeunevieux, est-ouest, Canadiens-Maple Leafs.

Dans le présent numéro de Wayward Arts, nous explorons les diverses manières dont le Canada incarne la dualité entre le « froid » (ou le cool) et le « chaud » (ou le hot), de nos villes et villages jusqu’à notre musique et à notre cinéma. Ce numéro s’inspire d’une autre paire de solitudes : les extrêmes de notre climat, des grosses tempêtes qui sont devenues le symbole de notre robustesse nationale jusqu’aux étés suffocants que nous chérissons vu leur nature éphémère.

N’y a-t-il pas de meilleure métaphore pour dresser un portrait culturel (bref et extrêmement subjectif, cela dit) du Canada dans le cadre de son 150e anniversaire? Après tout, nous sommes l’incarnation même du froid et du chaud, et nous avons mérité le droit de nous vanter un peu. Même si le patriotisme exacerbé est loin d’être notre spécialité, force est d’admettre que le Canada, à l’âge de 150 ans, s’est forgé une place de choix sur la scène internationale. Notre statut de nation progressiste est aujourd’hui indiscutable, comme à l’époque où nous étions le dernier arrêt du chemin de fer clandestin, ou lorsque nous avons accueilli les conscrits réfractaires pendant la guerre du Vietnam ou encore légalisé le mariage gai.

Mais comme tous les autres pays, nous ne sommes pas parfaits. Nous avons commis de graves erreurs et nous ne devons jamais oublier certaines périodes sombres de notre histoire : les pensionnats indiens et les difficultés constantes des communautés autochtones; la taxe d’entrée imposée aux Chinois; l’internement de Canadiens d’origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale; notre engagement contradictoire pour l’extraction de nos ressources naturelles et la lutte contre les changements climatiques.

Mais notre 150e anniversaire, ne l’oublions pas, est un bon moment pour embrasser l’optimisme au Canada. Alors que nos cultures continuent d’évoluer et de s’adapter, célébrons le peuple que nous sommes aujourd’hui et celui que nous pouvons aspirer à devenir.

Levons notre verre au 150e du Canada!

Les Canadiens aiment les désastres, surtout s’ils impliquent de la glace, de l’eau ou de la neige.

Vous croyez que le drapeau national représente une feuille d’érable, n’est-ce pas? Vous vous trompez. C’est l’endroit où quelqu’un s’est fait décapiter dans la neige.

- Margaret Atwood

Les endroits cool, hors des sentiers battus, ne font aucun effort pour plaire. Vous en tomberez fort probablement amoureux, mais le processus peut prendre plus de temps. Ils n’ont pas à se comparer à d’autres endroits, car ils affirment haut et fort leur unicité. Que ce soit un centre urbain branché ou un petit trésor bien caché, ces endroits ont tout pour plaire, mais leur secret est bien gardé.



Whitehorse

Détrompez-vous : Whitehorse N’EST PAS en Arctique. La ville se trouve très au nord (60.7212°N, pour être plus précis), mais vous avez plus de chance de tomber sur une session d’improvisation musicale nocturne, un défilé de mode d’inspiration Déné ou une maison de torréfaction de café artisanale que de vous faire des engelures aux doigts. De plus, vous êtes à quelques pas de certains des sentiers de randonnée pédestre (ou de raquette) les plus spectaculaires du Canada (chut, ne dites surtout rien aux Albertans).

Yellowknife est une ville d’affaires où on se rend pour gagner de l’argent, tandis que Whitehorse est synonyme de fête et de plaisir.

Athabasca Sand Dunes

Saviez-vous qu’on trouve au Canada les dunes les plus au nord du monde? Nous non plus. Il n’est pas surprenant que leur secret soit si bien gardé, car quand nous pensons à des plaines de sable, ce sont des images du Sahara plutôt que de la Saskatchewan qui nous viennent en tête. Pourtant, rien ne pourra vous préparer à la vue saisissante de ces 100 km de dunes dans un cadre canadien (les dunes sont bordées par la forêt le long du lac Athabasca). Voilà un élément géologique de notre pays à couper le souffle. En plus d’être une des plus grandes surfaces de sable actives au Canada, le parc provincial Athabasca Sand Dunes abrite plus de 50 espèces végétales rares, dont dix ne se trouvent nulle part ailleurs sur la planète.

Amants de la nature, prenez bien note : ces dunes sont méconnues, mais elles valent amplement le détour.

Winnipeg

La grande force de Winnipeg, c’est de ne pas se soucier que ce que les autres pensent d’elle. Oui, oui, Winnipeg peut être glaciale, et il s’agit d’un des grands centres les plus reculés de la planète, mais c’est peut-être justement ce qui fait qu’un esprit d’autocréation règne dans toutes les sphères de la ville. À Winnipeg, on n’attend pas que les groupes de musique daignent venir nous voir. Non merci. On se crée plutôt sa propre scène musicale. La gastronomie est sans prétention. Les tapas et les plats indiens cohabitent avec les bouchées latines et les camions de rue servant des pierogis. Winnipeg est une mine d’artistes et d’auteurs marginaux. Et c’est peut-être la seule ville qui a élu un ancien rappeur, Wab Kinew, à l’Assemblée législative.

Les loyers sont abordables, le ciel est grand, les gens sont presque trop sympathiques – quoi demander de mieux?

Montréal

Les artistes et les musiciens le savent depuis longtemps : Montréal, c’est très cool. La ville présente tous les avantages d’une grande métropole, avec une bonne dose d’insouciance décontractée. Loin d’être définie par des condominiums et des gratte-ciel sans âme, Montréal regorge de trésors architecturaux, de culture et de cuisine avec une touche européenne. Si on dit poutine et bagels, doit‑on vraiment en dire plus? Votre cœur et votre estomac seront conquis. Ah, et puis, vous pourrez vraiment profiter de la ville, car les loyers sont moins chers que dans tous les autres grands centres urbains du pays.

Montréal : rien à prouver, mais tout à donner.

Il est difficile de se souvenir de l’époque où Drake, Bieber, The Weeknd ou Carly Rae Jepsen ne figuraient pas au classement du Billboard, ou même de celle où les scènes de Toronto, de Montréal et de Vancouver ne faisaient pas l’envie de tous (sauf de Brooklyn et de Londres). Mais le Canada possède une longue tradition de groupes, d’auteurs, de compositeurs et d’interprètes irrévérencieux et iconoclastes issus de tous les coins du pays. En voici un échantillon :

1876

One Sweetly Solemn Thought, composée à Kingston (Ontario) par Robert S. Ambrose et inspirée des paroles de Phoebe Cary, devient une des chansons les plus populaires du siècle. Selon la légende, un joueur ayant entendu quelqu’un fredonner la chanson aurait renoncé aux jeux de hasard et se serait repris en main.

Peut-être pas le même effet que les Beatles qui traversent l’Atlantique, mais tout de même...
1880

L’hymne Ô Canada est composé dans la ville de Québec pour les célébrations de la Saint Jean Baptiste (ne nous attardons pas ici sur l’ironie). Malgré le tollé de 2016 entourant le remplacement de la formule genrée en anglais du vers « True patriot love in all thy sons command » (Commande chez tous tes fils un fidèle amour patriotique), la traduction anglaise la plus commune ne faisait pas mention des « fils » de la patrie. Les paroles avaient été modifiées par la Educational Book Company of Toronto, le vers original se lisant plutôt comme suit : « True patriot love thou dost in us command » (Tu commandes en nous un amour patriotique).

1934

Leonard Cohen voit le jour à Westmount, à Montréal.

Des coeurs aux quatre coins du globe manquent mystérieusement un battement.
1947

La Horseshoe Tavern de Toronto ouvre ses portes. Des artistes blues et folk foulent ses planches pendant les premières années, puis la salle devient un incontournable pour les musiciens de tous horizons.

1949

L’imprésario de jazz américain Norman Granz entend un certain Oscar Peterson jouer dans une boîte de nuit de Montréal et lui fait immédiatement signer un contrat d’enregistrement.

Moins d’un an plus tard, le virtuose se produit à Carnegie Hall, ce qui marque le début d’une carrière de pianiste de jazz qui durera 60 ans et pendant laquelle il enregistrera plus de 200 albums.
1955

L’interprétation des Variations Goldberg de Bach par Glenn Gould devient la nouvelle norme pour ce genre musical et enflamme le monde de la musique classique.

1961

Deux accompagnateurs de Ronnie Hawkins, soit Robbie Robertson (un guitariste innovateur qui a appris à jour dans la réserve des Six-Nations) et Levon Helm (un batteur rebelle originaire de l’Arkansas à la voix rocailleuse) intègrent Rick Danko, Richard Manuel et Garth Hudson à la formation. Après six années à jouer à Toronto et à faire la tournée comme musiciens de Bob Dylan, le quintette s’émancipe et devient The Band.

1964

Le magazine Billboard nomme Buffy Sainte-Marie, une Crie des Plaines, meilleure artiste émergente pour sa chanson-protestation contre la guerre du Vietnam, Universal Soldier.

1966

Neil Young quitte Toronto après la désintégration du groupe des Mynah Birds, qui avait Rick James comme leader (oui, ce Rick James). Il s’installe à Los Angeles et lance le groupe Buffalo Springfield.

(avant de partir en solo, de fonder Crazy Horse, de s’allier à Crosby, Stills and Nash, de faire carrière solo de nouveau, et ainsi de suite).
1967

Bobby Gimby, ancien de Happy Gang et compositeur de refrains publicitaires, compose Ca-na-da pour souligner le 100e anniversaire du pays. La chanson devient vite LA chanson du Centenaire et le simple le plus vendu de l’année au Canada, devant Penny Lane des Beatles, Light My Fire des Doors et Brown Eyed Girl de Van Morrison, pour ne nommer que ceux-là.

1970

The Guess Who, un quatuor de Winnipeg, lance American Woman.

Le chanson se démarque par ce qui est sans doute le meilleur riff de guitare jamais enregistré par un groupe canadien.
1971

Originaire de Saskatoon, Joni Mitchell signe Blue, un chef-d’œuvre intime et brillant qui redéfinira la notion d’auteur-compositeur-interprète pour les décennies à venir.

1976

2112, le chef-d’oeuvre de Rush, nous montre ce que trois gars de la banlieue qui ont trop de talent et de temps peuvent réaliser :

... un album millénaire issu d’un concept fantastique de science-fiction.
1978

Une émeute survient pendant le concert de Teenage Head au Horseshoe, à Toronto. Dans le documentaire The Last Pogo, cette soirée est immortalisée et devient le dernier vrai concert punk.

1980

Une nouvelle vague balaie le pays et Rough Trade, dont le leader est Carol Pope, un chanteur ouvertement gai, lance High School Confidential, un simple osé sur l’amour homosexuel.

1984

Les vidéoclips musicaux commencent à envahir les ondes canadiennes avec le lancement de MuchMusic. Au départ, des émissions et des chaînes comme Electric Circus, Rap City, MuchLoud et The Wedge donnent une tribune à beaucoup plus d’artistes que la radio.

La chaîne MusiquePlus suit peu de temps après, en 1986, à Montréal.
1987

John Ruskin, le « journaliste » musical mieux connu sous le nom de « Nardwuar, the Human Serviette », fait ses débuts à la radio universitaire de l’Université de la Colombie-Britannique.

Doot doola doot doo ...
1991

Alors que Drake est encore à la maternelle, Dream Warriors lance son album aux influences jazz, And Now The Legacy Begins, un des albums de hip-hop alternatif les plus acclamés par la critique durant l’âge d’or de ce genre musical.

1992

The Tragically Hip lance son album découverte, Fully Completely, où le groupe passe des habituelles chansons de bar à des thèmes importants de l’histoire canadienne. Pendant ce temps, à Halifax, les infatigables artisans pop-rock de Sloan sortent leur premier album, Smeared (ravissant enfin le titre de feu Stan Roger, natif de Hamilton, comme exportation musicale de la Nouvelle-Écosse ayant connu le plus de succès).

En outre, le magazine Exclaim!, un magazine musical qui est étrangement publié malgré le fait qu’il est gratuit depuis un quart de siècle, lance son premier numéro. Bref, 1992 est une très bonne année pour les guitaristes canadiens.
1995

Alanis Morissette, originaire d’Ottawa, sort son album Jagged Little Pill, un album bruyant et mordant qui propulse l’ancienne chanteuse de pop pour ados sur la scène internationale. Elle vendra plus de 16 millions d’albums aux États-Unis et 2 millions au Canada.

1997

Dubmatique, un groupe de Montréal, obtient la première place dans les palmarès francophones canadiens avec Soul pleureur, une première pour une chanson hip-hop.

1998

Rascalz, Checkmate, Kardinal et Thrust (et Choclair) lancent la chanson Northern Touch, le premier grand « posse cut » de rap canadien...

... qui aspire depuis à remplacer l’hymne Ô Canada.
2001

Kevin Drew et Brendan Canning, deux vétérans de la scène musicale torontoise, rassemblent plusieurs de leurs amis et enregistrent Feel Good Lost, le premier album sous le nom de Broken Social Scene, ce qui inaugure un déferlement de musique indie canadienne.

2004–05

L’âge d’or indie au Canada comprend les albums fondateurs d’Arcade Fire (Funeral), Stars (Set Yourself on Fire), Broken Social Scene (Broken Social Scene), Feist (Let It Die), New Pornographers (Twin Cinema), Hot Hot Heat (Elevator) …

... et Junior Boys (Last Exit), Caribou (The Milk of Human Kindness), Metric (Live It Out), Wolf Parade (Apologies to the Queen Mary), the Deadly Snakes (Porcella), Joel Plaskett (La De Da) et bien d’autres encore.
2006

Le premier prix Polaris pour le meilleur album réalisé par un Canadien est décerné à Final Fantasy pour He Poos Clouds.

Les lauréats subséquents sont, entre autres, Caribou, Fucked Up, Arcade Fire, Feist, Tanya Tagaq et Buffy Sainte-Marie.
2010

Aubrey Drake Graham, mieux connu à l’époque pour son rôle dans Degrassi: The Next Generation, lance son premier album, Thank Me Later, qui lui vaut presque instantanément un disque platine...

... tout comme ses trois albums suivants et deux compilations subséquentes. Il est aujourd’hui en voie de devenir la plus grande vedette de hip-hop au monde.
2011

Carly Rae Jepsen, originaire de Mission, en Colombie-Britannique, domine les ondes avec sa chanson Call Me, Maybe, l’incarnation de la perfection pop. Ce succès est si bon que vous aurez du mal à croire que la chanteuse avait auparavant été éliminée de la cinquième saison de Canadian Idol.

2012

Claire Boucher, une artiste expérimentale pop montréalaise originaire de Vancouver mieux connue sous le nom de Grimes, est louangée par la critique pour son album Visions. Oblivion, le simple principal, est nommé meilleure chanson de 2012 et meilleure chanson des années 2010 jusqu’à présent par le magazine Pitchfork.

2014

Natif de Scarborough, Abel Tesfaye, alias The Weeknd, lance Can’t Feel My Face, une lettre d’amour à la cocaïne qui vise Michael Jackson. La chanson se fraie un chemin jusqu’au palmarès des simples de Billboard, un exploit que Drake, son prédécesseur et mentor, n’a pas encore réalisé.

2016

Drake obtient enfin son premier numéro un pour One Dance.

La chanson n’est pas du calibre de Hotline Bling ou même de Hold On, mais nous sommes quand même heureux pour notre ami Aubrey.

« Je ne fais confiance à aucun pays qui regarde un continent et dit :

« Hé, je prends la partie gelée. »

– Jon Stewart

Residents of Québec City enjoy some wintertime fun on the shores of the St. Lawrence River

Les joueurs de l’équipe de hockey de Simcoe, gagnants du championnat de la Lacrosse Hockey League, prennent la pose pour une photo d’équipe en 1899.

Cree children attend All Saints Residential School in Treaty 6 Territory, La Ronge, Saskatchewan. The Canadian government’s residential school program, supported by all major churches in Canada, aimed to destroy cultural ties and forcibly assimilate Indigenous children into the Canadian mainstream.

A steam-powered snowplow clears train tracks outside Saint-Agapit, Québec.

Fishermen in Lockeport, Nova Scotia, admire their haul: two 650-pound tuna.

Quand on s’arrête pour y penser, on se dit sans doute que la cuisine à l’époque de la Confédération était insipide et aucunement aussi variée que celle d’aujourd’hui. Les hivers étaient longs et la livraison de fruits frais à l’année relevait de l’utopie. Personne n’aurait pu imaginer manger des fraises en janvier (sauf celles qu’on avait mises en conserve soi-même).



Cela étant dit, la cuisine hivernale canadienne n’était pas totalement dépourvue de variété, et nombre de ses plats ressemblent étrangement à la cuisine réconfortante qui refait aujourd’hui son apparition dans les restaurants. Les féculents tels que les pommes de terre et les courges étaient à la base de notre alimentation, comme ils l’avaient été pendant des siècles pour les peuples autochtones, avant l’arrivée des Européens. Les légumineuses séchées et la viande salaisonnée venaient ajouter une bonne dose de protéines à ce régime alimentaire, parfois dans le même plat, comme dans la soupe aux pois et au jambon. Bien entendu, la tourtière tire ses origines de la colonisation française. Le pemmican dans les Prairies, la morue salée sur la côte Est et le saumon fumé dans l’Ouest aidaient les familles à traverser l’hiver. La banique, un hybride entre des ingrédients écossais et un savoir-faire autochtone, s’est répandu jusqu’à l’océan Arctique. Un peu partout au pays, le dessert consistait en une variation sur le thème de la cassonade, du sirop d’érable ou de la mélasse.

Aujourd’hui, les plats réconfortants d’hiver de la grande majorité des Canadiens qui vivent dans les villes ou villages, que ce soit le chili aux poivrons colorés et au maïs frais, le riz garni d’oignons verts et de bok choy ou encore les hamburgers garnis de fromage de chèvre et de roquette biologique, paraîtraient plutôt étranges aux Canadiens d’autrefois.

SUR UNE PENTE GLISSANTE?



De la raquette au curling en passant par la planche à neige, les sports d’hiver aident les Canadiens à apprécier la saison froide (ou du moins à prévenir le sentiment d’enfermement).

Depuis que le Canada a été fondé, il y a 150 ans, le hockey domine les sports d’hiver. Il s’agit du seul sport immortalisé sur notre monnaie, et de la seule raison de mettre le pays sur pause quand une médaille d’or est en jeu.

Mais récemment, de moins en moins de jeunes traînent leurs parents à l’aréna le samedi matin à 5 h en plein milieu du mois de janvier.

Alors que la pratique du hockey chez les jeunes est en chute et que les cotes d’écoute à la télévision stagnent (même si le Canada continue à produire le plus grand nombre de joueurs, et les meilleurs), l’attention des Canadiens empreints de la lassitude hivernale commence à se tourner vers un autre sport aux origines canadiennes.

C’est peut-être James Naismith, natif d’Almonte, en Ontario, qui a inventé le basketball, mais le premier siècle de l’histoire de ce sport n’a pas été marqué par un grand intérêt de la part des Canadiens. Les Huskies de Toronto, une équipe formée précipitamment par un cadre de la Ligue nationale de hockey qui y voit une occasion de remplir les arénas vides durant la saison morte, jouent une saison professionnelle en 1946–47 avant d’être démantelés. C’est seulement après l’obtention d’une franchise de la National Basketball Association par Toronto et Vancouver, dans les années 1990, que le basketball se met à attirer les foules, lentement mais sûrement. Les Grizzlies de Vancouver traversent six saisons de peine et de misère, puis ils quittent la ville canadienne pour s’installer dans l’herbe légèrement plus verte de Memphis. Les Raptors de Toronto connaissent des débuts difficiles, car il s’agit de la quatrième équipe de la ville, loin derrière les Maple Leafs, les Blue Jays (qui viennent de remporter deux victoires en Série mondiale) et même les Argonauts.

Puis, en 1998, Vince Carter arrive en ville. Grâce à son penchant pour les lancés coulés violents et ses partenaires qui s’améliorent de jour en jour, celui qu’on nomme « Vinsanity » se met à électrifier les foules du Centre Air Canada, alors que l’équipe qui joue sous le même toit, les Maple Leafs, commence une autre décennie de désespoir. Quelques années plus tard, Steve Nash, un jeune homme de petite stature (selon les normes du basketball) aux cheveux longs, originaire de Victoria (C.-B.), enflamme la NBA. Il remporte consécutivement deux prix du joueur le plus utile et fracasse de nombreux records, tout en accumulant des points pour la statistique la plus canadienne qui soit : les aides.

Pour la première fois, des jeunes de St. John’s à Surrey jouent non seulement au basketball au parc, ils peuvent maintenant consacrer leur vie à ce sport. Le hockey, avec son conformisme rigide, son coût de départ élevé, son jeu physique menant à des punitions et sa courbe d’apprentissage aussi abrupte que le mont Everest, est pour la première fois en train d’être supplanté par un sport qui lui est diamétralement opposé. Le basketball encourage l’individualité et la personnalité (jusqu’à un certain point), l’équipement requis se résume à des chaussures, des shorts et un ballon, et sa grande popularité internationale rassemble les enfants d’immigrants des quatre coins du monde, pour qui le hockey est un concept aussi abstrait que les pneus d’hiver.

Après quelques soubresauts, les Raptors deviennent donc la nouvelle coqueluche de la métropole ontarienne. Le basketball est en pleine effervescence au niveau universitaire et professionnel. En 2015, l’équipe nationale féminine, dirigée par Kia Nurse, rafle l’or à domicile aux Jeux panaméricains. D’ici un an ou deux, l’équipe masculine, plus débordante de talent que jamais, pourrait même obtenir une médaille aux Olympiques. Dans les dernières années, les équipes de la NBA ont repêché de nombreux jeunes Canadiens talentueux tels que Tristan Thompson, Andrew Wiggins, Kelly Olynyk et Cory Joseph, qui citent presque tous Carter ou Nash comme inspiration. L’été, les terrains extérieurs sont pleins à craquer et les paniers dans les ruelles sont pratiquement aussi répandus que les filets de hockey. L’hiver, il est presque aussi difficile de réserver une plage horaire dans un gymnase que du temps de glace à l’aréna.

Deux scènes vécues en 2016 sur la même parcelle de terrain de Toronto illustrent bien cette transformation. Les Raptors amorcent la plus longue série éliminatoire de leur histoire et se rendent en finale de Conférence. À l’extérieur du Centre Air Canada, une foule de milliers de partisans – composée surtout des jeunes et représentative de la diversité vertigineuse de la métropole – prend d’assaut le Maple Leaf Square, qui rappelle tout à coup le Parc jurassique. La population de la ville et d’une bonne partie du pays est rivée à l’écran à chaque lancer franc, à chaque tir à trois points, et à chaque interaction sublime entre les étoiles DeMar DeRozan et Kyle Lowry, même lorsque LeBron James indique clairement que les Raps ne se rendront pas en finale. De toute l’histoire du sport canadien, jamais une équipe n’aura eu la tête aussi haute lors d’une défaite en séries éliminatoires!

En contraste, quelques mois plus tard se tient à Toronto la première Coupe du monde de hockey sur glace. Les billets au prix exorbitant sont plus difficiles à vendre que prévu. On peut se procurer des billets pour la modique somme de 25 $ en revente pour assister aux premiers matchs de finale, et les rangées vides font couler autant d’encre que le jeu en soi. Sans grande surprise, Équipe Canada accumule les victoires, dérobant ainsi le tournoi de toute émotion forte. Et les partisans ne sont pas dupes. De retour au Maple Leaf Square, une équipe de tournage demande à la douzaine de partisans de se masser devant les caméras par cette belle journée de septembre où ils sont venus assister gratuitement au match, afin de créer l’illusion d’une foule. S’il y avait eu des mouches au centre-ville de Toronto ce jour-là, on les aurait entendues voler.

Après 150 ans, le hockey canadien est loin d’être mourant. Chaque week-end, des millions de personnes regardent encore la Soirée du hockey et, bien que le nombre de jeunes qui choisissent ce sport soit en déclin, le calibre du jeu au pays augmente de manière constante depuis quelques décennies. Mais pendant nos longs et froids hivers, ce n’est plus le seul sport accessible.





LES TÊTES FROIDES DOMINENT

Les stéréotypes – même ceux qui semblent positifs – sont parfois une arme à double tranchant. Pour chaque personne qui croit que les Canadiens sont polis et qu’ils ont bon caractère, une autre affirme que ces qualités n’en sont pas et qu’il s’agit plutôt de défauts : nous sommes trop polis, trop ennuyeux et trop naïfs. Dans le feu de l’action, nous savons pourtant garder la tête froide, et c’est là une qualité qui peut mener à de grandes choses.



Les boîtes à oeufs

Les Canadiens ne font pas que résoudre des conflits internationaux, ils trouvent aussi des solutions aux problèmes nationaux. En 1911, l’éditeur de journal britanno-colombien Joseph Coyle entend un fermier se disputer avec un propriétaire d’hôtel au sujet des œufs qui lui sont trop souvent livrés cassés. Pour résoudre le problème et régler la dispute, Coyle invente une boîte à œufs, une invention si simple et si brillante qu’elle n’a pas vraiment été améliorée depuis plus d’un siècle. S’il est vrai qu’il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier, pourrait-on plutôt les mettre bien en sécurité dans la même boîte?

Maintien de la paix

Pendant la crise du canal de Suez en 1956, le Canada, contrairement au Royaume-Uni, prend du recul et cherche des solutions rationnelles à la situation en Égypte. Dirigée par Lester B. Pearson, diplomate à l’époque (il deviendra ensuite le premier ministre qui abolira la peine de mort et gardera le pays à l’écart de la guerre du Vietnam), la première Force d’urgence des Nations Unies voit le jour. Sa contribution au cessez-le-feu vaut à Pearson un prix Nobel de la paix. Nous sommes souvent critiqués pour la petite taille de nos forces militaires, mais a-t-on besoin d’une armée quand on est un des pays les plus reconnus pour le maintien de la paix? Voici une réputation qu’il vaut la peine de conserver.

Les fuseaux horaires

Après avoir manqué son train en raison d’une erreur d’impression sur l’horaire, Sir Sandford Fleming ne se fâche pas. Il se tourne plutôt vers la science. Les horaires de train lui donnent l’idée d’un système universel de 24 heures et, en 1879, il propose les fuseaux horaires au Royal Canadian Institute. Fleming continue de faire la promotion de son idée dans le cadre d’importantes conférences et, en 1929, presque tous les grands pays ont adopté les fuseaux horaires. Grâce à Fleming, si vous manquez le train aujourd’hui, vous en êtes le seul responsable.

Quelques Arpents de Pièges

Petite question : que se passe-t-il quand vous vous apprêtez à jouer à votre jeu de société favori et que vous vous rendez compte qu’il vous manque des pièces? Est-ce que vous : a) cherchez à travers les coussins du sofa en enfilant les jurons? b) examinez votre animal domestique pour voir s’il les a avalées? c) vous effondrez en pleurant? Chris Haney et Scott Abbot se sont plutôt retroussé les manches et ils ont créé leur propre jeu. C’est ainsi que quelques lettres de Scrabble manquantes et deux têtes froides ont donné lieu au jeu canadien le plus intellectuel : Quelques Arpents de Pièges.